MÉMOIRE DE FONDATIONS PHILANTHROPIQUES CANADA

Résumé

Fondations philanthropiques Canada (FPC) est une association d’organismes subventionnaires de tout le Canada comprenant des fondations publiques et privées. Son rôle consiste à favoriser la croissance de fondations efficaces et responsables et de la philanthropie organisée au Canada. Chaque année, les organismes représentés contribuent largement au bien-être des Canadiens et de leur collectivité par des subventions et des investissements dans les domaines de l’éducation, de la santé, des services sociaux, des arts, du sport, de programmes pour la jeunesse et d’une foule d’autres activités aidant les Canadiens et leur famille à mener une vie plus productive et créative.

Pour réaliser leurs objectifs, nos membres font essentiellement appel aux bons offices d’organismes de bienfaisance canadiens enregistrés. Selon les organismes subventionnaires, il est important de faciliter aux organismes de bienfaisance canadiens l’accès à un capital qui leur permettra d’innover, de grandir et d’être plus efficaces. À l’heure actuelle, il est difficile aux fondations d’investir dans des organismes de bienfaisance, à cause du régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, sauf dans des conditions limitées. En notre qualité d’organisme de financement privé, nous invitons le gouvernement à clarifier et à élargir ce régime. Notre première recommandation porte sur la clarification des politiques visant les investissements dans des programmes par des fondations. Dans la deuxième, nous proposons que le gouvernement examine sans tarder les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu interdisant le recours à des sociétés en commandite par des fondations privées.

Le financement du secteur caritatif

Les fondations publiques et privées ont fourni en 2008 environ 3,5 milliards de dollars de subventions aux organismes de bienfaisance canadiens, selon l’Agence du revenu du Canada. Les incitatifs fiscaux fédéraux continuent de jouer un rôle important à cet égard. Bon nombre des subventions octroyées par les fondations proviennent de revenus tirés d’actifs investis ou de dons annuels bénéficiant de crédits d’impôt fédéraux et provinciaux. Nous remercions le gouvernement de son soutien indéfectible à la philanthropie sur le plan fiscal. Il était pour nous encourageant de voir que, dans son budget de juin 2011, le gouvernement a appuyé l’étude menée par ce Comité et portant sur la motion proposée par le député de Kitchener-Waterloo, qui voulait examiner la possibilité de créer de nouveaux incitatifs fiscaux à des fins charitables. Dans ce contexte, nous appuyons la recommandation d’Imagine Canada, qui consiste à accroître les dons de bienfaisance des particuliers (quel que soit leur revenu) grâce à un crédit d’impôt extensible.

Il n’en reste pas moins que les subventions des fondations ne représentent qu’un petit pourcentage du financement total qu’obtiennent annuellement les organismes de bienfaisance canadiens, lesquels en tirent beaucoup plus de leurs propres activités génératrices de produits, selon leur mission et leurs activités. D’après Imagine Canada, près de la moitié des fonds générés par les organismes à but non lucratif pour financer leurs activités proviennent d’activités productrices de recettes (droits d’inscription, vente de billets, vente de produits, etc.). Dans l’ensemble, le total des dons des particuliers et des fondations ne représente pas plus de 13 % à 15 % du financement de ce secteur.

Typiquement, les subventions des fondations permettent de lancer un nouveau programme, de mettre à l’essai une démarche originale, d’entreprendre une initiative stratégique ou de faire un investissement pour leur croissance. Les bailleurs de fonds privés peuvent être des catalyseurs cruciaux de l’innovation sociale et de l’activité entrepreneuriale dans le secteur à but non lucratif. Le gouvernement a répété maintes fois que l’innovation et l’activité entrepreneuriale sont essentielles à la productivité du Canada à long terme. De fait, dans son dernier Discours du Trône, le gouvernement a souligné l’importance de l’innovation au niveau communautaire : « Certains groupes de personnes, comme les sans-abri, les chômeurs chroniques et les jeunes à risque, sont continuellement aux prises avec des problèmes sociaux complexes. Souvent, ce sont les membres de leur collectivité qui sont les mieux placés pour régler ces problèmes. Partout au Canada, des citoyens, des entreprises, des organismes de bienfaisance et d'autres groupes, tels que le Canadian Task Force on Social Finance, collaborent à concevoir des moyens novateurs pour régler ces problèmes au niveau local ».

Nous trouvons particulièrement intéressant que le gouvernement ait choisi de mentionner le Groupe d'étude canadien sur la finance sociale, car cette initiative est le fruit des efforts de bailleurs de fonds privés. Son rapport, déposé en décembre, porte sur l’importance cruciale de canaliser le capital privé à des fins non seulement économiques mais aussi sociales et environnementales. Ses sept recommandations s’adressent aux fondations, aux investisseurs et aux décideurs. Comme le dit ce rapport, « La finance sociale offre une occasion sans précédent aux organismes de bienfaisance et aux entreprises sans but lucratif du Canada d’accéder à de nouvelles sources de financement, à un moment où bon nombre sont pris dans un cycle de subsistance à court terme qui les détourne de leur mission et de leurs résultats, freine leur innovation, les empêchent de mettre au point des solutions efficaces et menace leur viabilité. Ces organisations cherchent donc des options de financement complémentaire qui leur conféreront la souplesse et la stabilité dont elles ont besoin pour se concentrer sur l’essentiel : la mise en œuvre de stratégies efficaces et novatrices pour répondre aux besoins en évolution constante des Canadiennes et Canadiens ».

FPC est prêt à entendre toute discussion sur les conclusions de ce rapport et à collaborer avec d’autres organismes philanthropiques en vue d’éduquer les membres et d’échanger des renseignements sur la mission et les investissements dans les programmes, afin d’élargir les ressources caritatives pour le bien de la communauté et du public. C’est pourquoi nous appuyons aussi les recommandations d’Imagine Canada, soit de raffermir et d’élargir l’accès des organisations à but non lucratif aux programmes fédéraux d’aide à la petite entreprise. Ces mesures compléteraient les nouveaux incitatifs fiscaux encourageant la philanthropie chez les citoyens.

Première recommandation : Favoriser l’investissement des bailleurs de fonds privés dans les programmes

Les donations (subventions et dons de bienfaisance) n’ont jamais fourni suffisamment de fonds pour répondre de façon durable à tous les besoins. Le revenu gagné et les investissements (prêts, garanties et souscriptions privées lorsque c’est possible) sont et seront les sources de financement les plus importantes de maints organismes à but non lucratif. Nous répétons notre recommandation de 2010 et exhortons le Comité à encourager le gouvernement à créer un cadre réglementaire favorisant la croissance des investissements philanthropiques. C’est d’ailleurs là un des principaux thèmes du rapport du Groupe d'étude canadien sur la finance sociale.

Nous recommandons tout particulièrement au Comité d’encourager les ministres des Finances et de l’Agence du revenu du Canada (ARC) à clarifier la cadre réglementaire et à favoriser les investissements des fondations dans les programmes. Depuis le début de l’année, l’ARC et le ministère des Finances mènent une étude ayant pour but de mettre à jour les directives sur l’investissement dans les programmes. Ce type d’investissement (qui est essentiellement des prêts aux associations caritatives à des taux inférieurs au taux du marché) a subi très peu d’encouragement, sinon dans un guide de politiques de l’ARC portant sur le développement économique communautaire et publié pour la première fois en 1999.

Les fondations canadiennes s’intéressent de plus en plus aux investissements leur permettant d’utiliser leur actif pour le bien public. Un certain nombre d’entre elles ont déjà commencé à faire des investissements respectueux de leur mission dans des compagnies socialement responsables ou qui s’occupent de domaines qui les intéressent comme les soins de santé ou la gestion de l’environnement. Certaines s’essaient aux investissements dans des programmes – normalement des prêts faits directement aux associations de bienfaisance à des taux inférieurs aux taux du marché. Par exemple, une fondation privée a accordé à une association philanthropique éducative une hypothèque de 10 millions de dollars en vue de terminer la construction d’installations scolaires, et ce, à des taux d’intérêt inférieurs aux taux du marché. (De plus, cette association n’était pas tenue de rembourser les intérêts à la fondation avant la fin de l’hypothèque quinquennale.) Autre exemple : Une fondation privée a accordé à une agence de services sociaux un prêt lui permettant d’acheter une maison de transition d’une valeur initiale de 200 000 $. Or, ce prêt est remboursable sans intérêt sur vingt‑cinq ans et garanti par un caveat sur le titre de propriété. On accorde souvent ce genre de prêts pour les investissements immobiliers, car l’actif possède une valeur marchande.

Cela dit, les fondations ne peuvent offrir de taux inférieurs aux taux du marché qu’aux associations caritatives enregistrées. La Loi de l'impôt sur le revenu leur interdit de les offrir à d’autres organismes à but lucratif comme les sociétés d'habitation ou d’autres organismes de services sociaux.

Il serait très utile aux associations philanthropiques et aux bailleurs de fonds privés que les directives sur les investissements dans des programmes puissent établir un lien explicite entre les objectifs philanthropiques de l’association et l’outil que celle-ci choisit pour parvenir à ses fins. Par exemple, une fondation visant à réduire le sans-abrisme devrait pouvoir investir dans une société de logement à but non lucratif si elle peut prouver que cette action réduit le nombre de sans-abri (que cette société soit une simple société à but non lucratif ou un organisme de bienfaisance enregistré).

Nous savons que les organismes de bienfaisance canadiens continuent d’avoir des besoins insatisfaits en matière de financement par la dette et par le capital d’investissement pour financer leurs installations, financer l’acquisition d’équipements, investir dans du capital « immatériel » comme des plans commerciaux ou du développement de ressources humaines et, en fin de compte, financer leur croissance. Cela vaut particulièrement pour les petits organismes de bienfaisance. Bien qu’il leur soit possible d’emprunter auprès d’établissements commerciaux, les petits organismes de bienfaisance ayant des sources de revenus multiples et imprévisibles n’y ont pas facilement accès. Ces organismes ont besoin d’avoir accès à des prêts non garantis pour se doter de capital de roulement et d’expansion en petits montants. Les prêts de fondations peuvent aider à financer les organismes de bienfaisance de taille petite ou moyenne. L’encouragement du gouvernement fédéral sera très utile à ces organismes et ne coûtera pas cher au gouvernement.

Deuxième recommandation : Examiner pourquoi la Loi de l’impôt sur le revenu interdit aux fondations privées d’investir dans des sociétés en commandite

Les lois fédérales et provinciales sur les investissements effectués par des associations caritatives stipulent que celles-ci doivent se contenter de faire des investissements prudents au rendement sûr (d’accorder, par exemple, un prêt hypothécaire garanti à une société d’habitation au taux du marché). L’Agence du revenu du Canada est d’avis que les investissements par des fondations dans des organismes bénéficiaires non admissibles effectués à des taux inférieurs au taux du marché constituent des cadeaux et qu’ils sont de ce fait interdits.

Dans le but de vous donner un exemple pertinent lié à la discussion sur la facilitation de l’accès au capital, nous vous faisons remarquer qu’un fonds d’emprunt à but non lucratif constitué en personne morale ne pourrait pas accéder au capital d’une fondation à un taux inférieur au taux du marché, parce qu’il n’est pas un donataire admissible. Cette règle limite la création et la croissance d’intermédiaires financiers à but non lucratif. Ces intermédiaires ne peuvent être des associations de bienfaisance enregistrées en vertu de la définition d’un organisme de bienfaisance dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, au Royaume‑Uni, on a vu prospérer des intermédiaires fournissant du capital de risque philanthropique à d’autres organismes caritatifs, et ce, grâce à la nouvelle définition, plus large, qu’on a proposée là‑bas de ce qui constitue un organisme de bienfaisance.

En fait, beaucoup de fondations n’ont pas l’expertise ni les ressources nécessaires pour accorder et gérer les prêts directement, et ce, même si elles veulent consacrer une partie de leur capital à un plus grand nombre d’investissements dans des programmes. C’est pourquoi nous avons besoin de plus d’intermédiaires pour faciliter les mouvements de capitaux. Parmi ces intermédiaires, on compte le Community Forward Fund, organisme qu’on vient de créer à l’aide de fonds privés afin d’accorder des prêts et de prodiguer des conseils financiers aux associations caritatives ou à but non lucratif. Il faut toutefois préciser que, étant donné que le CFF n’est pas une association philanthropique enregistrée, les fondations ne peuvent pas le soutenir directement. Le CFF a décidé de devenir une société en commandite, type d’organisation commun pour ce genre d’investissement. Les organes de réglementation fédéraux interdisent les placements passifs de fondations privées dans des sociétés en commandite, en raison du risque qu’on interprète ces investissements de façon erronée à la lumière de la loi sur les partenariats. En effet, il se peut qu’on en déduise à tort que la fondation se comporte comme une entreprise privée. C’est pour cette raison que les fondations privées ne peuvent pas subventionner les intermédiaires ni y investir des sommes, ce qui explique pourquoi elles ont besoin qu’on les aide à rendre plus disponible le capital de financement.

Nous prions le Comité de recommander au gouvernement de réexaminer son interprétation de ce qu’est une société en commandite – un investissement interdit aux fondations privées, car celles-ci ne peuvent pas être propriétaires d’entreprises, même si ces investissements sont normalement des placements passifs. Nous suggérons au gouvernement d’assouplir cette règle et de permettre les investissements à des fins charitables. Si le gouvernement est prêt à reconnaître le principe qu’une fondation privée peut faire des investissements comme des placements dans des programmes (même ceux d’une entité commerciale), pourvu que ces placements soient faits à des fins charitables, nous pensons qu’il est logique d’appliquer ce principe aux investissements dans une société en commandite, tout en imposant des conditions sur la nature caritative de ces placements.

Les deux changements réglementaires que nous proposons ne coûteront rien au gouvernement et faciliteront grandement la disponibilité du capital privé pour les œuvres de charité. Nous vous demandons de nous aider à recommander ces modifications aux ministres des Finances et de l’Agence du revenu du Canada.